Hospices de Beaune

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Vendanges 2019, le bilan

Ludivine Griveau nous a accordé, le 20 septembre dernier, un long entretien dans lequel elle nous livre de précieuses informations sur le millésime 2019, qui sera mis en vente lors de la 159ème Vente des Vins des Hospices de Beaune.

Nous avons échangé avec Ludivine sur les points qui feront l’identité du millésime aux Hospices :

  1. La météo 2019 et les choix culturaux
  2. Les dates de vendanges et les choix de vinification

Nous vous livrons ci-dessous la quintessence de nos échanges, les plus curieux pourront se rendre sur YouTube pour voir l’intégralité de notre entrevue.

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1. « Une année marquée par des aléas climatiques importants et l’incertitude »

Allez, on rembobine pour se replacer au tout début de la saison qui a donné ce millésime 2019. On remonte le temps pour s’arrêter au mois de mars. En ce début de printemps, la végétation reprend à une date plutôt normale sur la côte viticole, après un hiver assez sec et doux.

Une aubaine ce mois de février tout à fait estival, nous direz-vous ? Pas tellement, puisqu’un hiver doux empêche les vignes de mettre suffisamment leurs forces en réserve dans les racines. De plus, la période ayant été sèche, le système racinaire où se condense la vie dans ces mois privés de lumière n’a pas pu constituer de stock.

Et puis, la végétation a été sensible à deux événements majeurs au printemps : une gelée noire (ou gelée d’hiver) le 5 avril – dont l’impact a été sous-estimé et un second épisode de gel le 14 avril.

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Des bougies allumées sur la côte viticole pour lutter contre le gel. Photo d’origine Vincent Dancer (in the dark)

Les épisodes de gel ont en partie réduit les récoltes 2019 impactant les bourgeons déjà sortis. Après cela, le printemps venté a compliqué la gestion des pulvérisations, compensé heureusement, par la pousse assez lente au printemps – conséquence du coup de froid d’avril qui a stressé la plante. Le vignoble des Hospices de Beaune est conduit en agriculture biologique depuis 2017 – et des tests de biodynamie sont effectués avec deux vignerons volontaires sur quelques parcelles.

2ème aléa dommageable : le mauvais temps durant la floraison – autour du 10 juin : le froid et la pluie ont occasionné de la coulure (la fleur n’est pas fécondée) et une grande hétérogénéité des maturités. La perte de récolte due à cette mauvaise floraison est importante sur le Chardonnay, mais le Pinot Noir n’est pas épargné.

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La feuille a jauni, signe de stress hydrique important. La grappe est millerandée, les grains sont très inégaux, signe également du stress hydrique mais aussi conséquence de la coulure.

A noter : Une « Grosse pression d’Oïdium » cette année.
« La tiédeur, l’obscurité, l’humidité… ont été propices au développement des champignons », explique Ludivine. Le feuillage a été attaqué, mais pas les grappes, les choix d’effeuiller et rogner plus haut, pour protéger ce qui venait d’être « déshabillé » plus bas ont été efficaces.

3ème aléa : Une première canicule en juillet suivi d’une deuxième canicule en août assorties d’une grande sécheresse :  la vigne a commencé à souffrir du sec avec ça et là des signes de défoliation.

« Une année pas particulièrement précoce, sauf à la fin !!! »

Tout s’est ensuite accéléré par concentration plus que par maturité physiologique (la maturité a parfois été bloquée ou ralentie à cause du sec mais au final, on retrouve de beaux équilibres sucres/acides). La maturité phénolique a été à peine atteinte parfois.

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Vendanges dans la parcelle de « Carelle sous Chapelle », des grappes qui entreront dans la cuvée Général Muteau

2. Vendanges et choix de vinification

Le coup d’envoi des vendanges a eu lieu le 6 septembre avec la vigne de Pouilly-Fuissé (la future cuvée Françoise Poisard). Des contrôles de maturité répétés ont permis de définir les bonnes dates de récolte de chacune des parcelles (environ 130).

Comme l’année dernière le Chardonnay a connu une accélération de maturité comparé au Pinot Noir au cours des premiers jours de septembre, ce qui a nécessité des vendanges anticipées des Beaune 1er cru « Clos des Mouches » (jeune vignes) et du Bâtard-Montrachet Grand Cru. A partir des 10 et 11 septembre, les Hospices de Beaune sortent « l’artillerie lourde » pour vendanger la totalité des blancs de Meursault.

A partir du 12 septembre, Ludivine Griveau décide de vendanger des premiers pinots noirs avec les Volnay de la Cuvée « Général Muteau » qui est toujours la plus précoce.

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Francis Lechauve dans les vignes de Volnay « Le Village » pour la cuvée Général Muteau – tenue d’été signée Anima Vinum

La grande surprise provient de Pommard qui a été vendangé avant les Beaune 1ers crus, dont les terroirs sont toujours plus précoces … (ndla : ça c’est une info importante !!! je vous en toucherai un mot dans un prochain post…) En revanche, on accuse une déception en termes de quantités, particulièrement sur le secteur des Volnay Santenots qui ont gelé. On remarque une grande hétérogénéité de maturité à Beaune avec des secteurs très touchés par le gel (comme dans les Cent-Vignes).

Incroyable, cette année les vignes de la Côte de Nuits ont été mûres en même temps que les vignes de Beaune !!! On obtient une très belle qualité de vendanges. La dernière vigne a être vendangée, est celle de Santenay, le 20 septembre.

Un constat : la matière est très saine, très peu de tri est nécessaire (entre 2 et 3% de tri) par contre la récolte est très petite : une demie récolte en blanc et -35 à -40% sur les rouges.

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La table de tri au moment de la réception des vendanges – Hospices de Beaune 2019

En cuverie, 2019 a vu la mise en œuvre de plusieurs investissements matériels. A savoir des cuves thermo-régulées supplémentaires adaptées à la vinification des blancs comme des rouges. Un nouveau logiciel de gestion des températures à distances : chaque cuve peut ainsi être suivie et pilotée depuis un smartphone !

« Le raisin est marqué par les aléas climatiques »

Le challenge de ce millésime, c’est d’adapter le process de vinification à un raisin qui est marqué par les aléas climatiques :
– le Chardonnay, dont les peaux étaient très épaisses, a vu ses cycles de pressurage allongés et surtout renforcés (augmentation de la pression) : des adaptations inédites pour Ludivine dont le mot d’ordre a été : « Il faut oser oser » ! Les lies sont « magnifiques » et ont donc été quasiment totalement réincorporées. Les fermentations des blancs ont démarré rapidement : il semble que les cinétiques fermentaires soient excellentes malgré les degrés alcooliques élevés.

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– le Pinot Noir : sans surprise, la couleur sort facilement (peaux épaisses). L’extractabilité des anthocyanes est bonne donc, il faudra veiller à bien fixer la couleur. Nous partageons le sentiment qu’il ne faudra pas chercher à extraire les tanins qui, eux aussi sortent facilement et dont la maturité n’est pas optimale : donc un travail sur la souplesse (plus que sur la finesse) –  ce millésime ressemble un peu à 2015 sur ce point.

Toutes les vinifications des rouges sont parcellaires et 30% de la cuverie est menée en vinification sans sulfites (ndla : comme sur le millésime 2018 qui avait donné d’excellents résultats).

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La meilleure pour la fin ^^

En conclusion :

2019 promet beaucoup sur le plan de la qualité mais les quantités seront faibles à très faibles sur quelques cuvées. L’hétérogénéité des maturités promet des dégustations de sélection passionnantes !

Nous attaquerons nos dégustations fin octobre et reviendrons auprès de vous sur les 1ers jours de novembre pour une analyse qualitative plus fine, en vue de préparer notre stratégie d’achat.