La taille d’hiver : place à la révolution Poussard !

La taille d’hiver : place à la révolution Poussard !

La taille en Poussard ou « en Guyot-Poussard » est une petite révolution dans les vignes, pour ceux qui y ont été initiés.

Son principe est simple à comprendre : la taille doit respecter le flux de sève de la plante afin qu’elle ne développe pas de plaie de taille qui finirait à court ou moyen terme par l’assécher voire de permettre la prolifération interne des champignons. Sa technique s’appuie sur le principe de taille traditionnelle dit « en Guyot » : laisser une baguette et un courson mais elle prévoit d’équilibrer les flux de sève, et là, les vignerons doivent se faire violence pour laisser de côté leurs habitudes.

L’avantage ? La taille en Poussard remet de la réflexion dans les vignes, quand l’acte de taille était devenu trop systématique…

A lire : Qui est Joël Lecoq, formateur en taille Poussard ?

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Et si la qualité du vin passait par un bon coup de sécateur ? Il se pourrait bien qu’un peu comme pour le démineur, le choix de la branche à couper (et la manière de le faire) soit crucial pour le développement de la vigne, sa santé et sa longévité.

Les maladies sont malheureusement monnaie courante dans les rangs, provoquant le désarroi des vignerons, impuissants. En effet, on observe depuis des décennies que les champignons (type Esca) ravagent 3% des vignes en France chaque année, obligeant les domaines à replanter régulièrement. Dommage, car c’est bien sur les « vieilles vignes » que l’on fait le meilleur des vins.

Confronté à la problématique, en Charentes, un certain M. Poussard a eu l’idée au début du XX e siècle de repenser la taille de la vigne, une idée reprise et vulgarisée en 1921 par René Lafon (lire la préface ici) et les résultats sont au rendez-vous.

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« On ne laisse pas une branche parce que c’est beau mais parce que ça a du sens ! »

Fil rouge… ou fil bleu. La sueur au front, les élèves de Joël Lecoq, sécateur en main évaluent leur taille de la vigne, après avoir suivi sa formation. « Là, je ne comprends pas ton choix, tranche sévèrement le professeur. Il ne faut pas faire monter les bois si rapidement. »

La taille en Poussard ou « en Guyot-Poussard » est une petite révolution dans les vignes, pour ceux qui y ont été initiés. Comme le domaine Rebourseau – conduit en bio et biodynamie – qui bénéficie ce jour-là des conseils d’un pro convaincu depuis des années, que la qualité de la taille conditionne celle de la vigne à court, moyen et long terme. Sur un domaine comme celui-ci, il est possible d’adapter une taille Poussard sur une taille en Guyot simple – celle qui prévaut dans toute la Bourgogne.

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Son principe est simple à comprendre : la taille doit respecter le flux de sève de la plante afin qu’elle ne développe pas de plaie de taille qui finirait à court ou moyen terme par nécroser le cep et faciliter sa destruction par la prolifération interne de certains champignons du bois. Sa technique s’appuie sur le principe traditionnel Guyot : laisser une baguette et un courson mais en privilégiant deux chemins de sève qu’elle fait alterner d’une année sur l’autre. Son but, ramener plus d’énergie au pied avec une circulation de sève plus importante, moins tourmentée.

Car le gros souci de la taille, trop souvent pratiquée sans privilégier le soin de la santé à moyen ou long terme du pied, c’est qu’elle crée régulièrement des inversions de flux de sève. Or Poussard a observé, alors qu’il travaillait aux vignes, qu’après 6 ou 8 de ces erreurs, la plante meurt. En effet, les nécroses qui résultent des plaies de taille, barrent la route -ou rendent très erratique – le trajet du flux de sève entre les racines et les branches. Mais si la théorie semble frappée au coin du bon sens, la pratique est moins évidente…

« La complexité de la taille ? C’est de casser son habitude, on a souvent tendance à revenir à une taille Guyot simple », explique Joël Lecoq, fameux formateur de la technique seulement centenaire mais déjà révolutionnaire.

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Respect de la vigne, intelligence du vigneron

Ici, on doit observer la position des bourgeons, apprécier la souplesse des branches en n’hésitant pas toucher longuement les bois. Tout cela dans le but de ne pas « traumatiser » la plante, c’est-à-dire lui infliger des plaies capables de freiner son développement, sa vigueur et en dernier lieu de la faire mourir.

« Il faut travailler sur le végétal, ne pas hésiter à redresser un pied avec le mouvement, toucher les bois, plier un peu, apprécier la souplesse, connaître le bois que l’on taille. L’idée est de limiter les plaies de taille tout en étant judicieux. Cela oblige à se creuser la tête. »

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A la vigne ce jour-là, c’est Bénigne de Surrel, jeune gérant adjoint qui est a chaussé les bottes pour venir écouter les conseils du formateur.  « Ce n’est pas à la mode mais cette technique revient dans les vignes, et de plus en plus car le problème sanitaire est important. On voit un dépérissement du vignoble, il faiblit, il y a de moins en moins de bois, le feuillage est de moins en moins important, sans que l’on ne comprenne pourquoi. Les tailles sont importantes car les nécroses participent à cet affaiblissement général du pied, on en a la mesure depuis peu. »

Mais la taille Poussard a été abandonnée peu à peu avec l’apparition des produits phytosanitaires -dont l’Arsenic, qui non sans maux, ont permis de limiter fortement la progression des maladies du bois. L’interdiction, en 2001, de l’arsénite  de soude -a signé le grand retour de l’esca – notamment dans le Sancerrois où officie un pionnier, François Dal – et une prise de conscience de certains vignerons, ont incité un regard plus critique quant aux pratiques destructrices de la taille depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, l’objectif est d’être dans une logique plus respectueuse, moins traumatisante pour le cep et plus proche du végétal.

Grâce à la taille Poussard, le domaine a un taux de renouvellement des pieds de vigne inférieur à la moyenne : 1,8% au lieu de 3%.